Les médias en panne de moyens, pas les radios des politiques
Alors que les médias privés et communautaires de Kisangani risquent de fermer, s’ils ne se mettent pas en règle, les hommes politiques, qui ont des moyens, multiplient les créations de radios en ville comme dans l’intérieur. La pluralité d’expression risque d’en souffrir.
C’est ainsi que c’est Canal orient, une nouvelle chaîne de radiotélévision appartenant au questeur de l’Assemblée provinciale qui a retransmis les festivités de la célébration du cinquantenaire. Cette chaîne a bénéficié de gros investissements : affiches imposantes, bons bureaux, un car de reportage, des caméras professionnelles…
Canal Orient naît alors que la majorité des médias privés et communautaires mourra peut être fin décembre, si elles ne se mettent pas en règle. Les 50 radios que compte la Province orientale, sont toutes irrégulières. À Kisangani, trois sur 12 sont en règle et deux partiellement. Implantées pendant les périodes de troubles et les élections où le service régulateur n’existait pas, ces médias fonctionnent sans avoir ni dossier constitué selon la loi et ni avoir payé les frais d’exploitation. Selon la nouvelle législation, ceux-ci sont passés de 5000 $ à 15 000 $selon le type de radio. Le 22 juillet, la division de communication et presse leur a lancé un ultimatum pour la fin de l’année. Si elles n’obtempèrent pas «leurs signaux seront retirés et leurs installations scellées», selon Dominique Lekakwa, chef de division.
Les médias sans grands moyens sont inquiets. «Nous fonctionnons grâce aux cotisations et dons. Il nous sera difficile de payer une telle somme», s’écrie Simon Tobotela, Président du conseil de gestion de la Radio Mwangaza. «Depuis 2006, nous fonctionnons sans aucun document…et la radio est fragilisée…», reconnaît Trésor Lingole, chef de service info à la RALIK. «Mais que ce ne soit pas un piège tendu aux médias en demandant des taxes exorbitantes», réagit Laurent Kangisa, rédacteur en chef de la Radio Mwangaza. «C’est une façon d’empêcher la population d’exprimer ses préoccupations à travers ces radios», estime lui Pierre Kibaka, activiste des droits de l’homme.
Relayer les messages
Une radio communautaire émane de la communauté qui la finance. Ce sont des radios qui transmettent le message de la base aux politiques. «Ces radios élargissent le champ d’expression de la masse parce qu’elles sont plus proches de la base», explique Korone Kayumba, ancien rédacteur en chef à la RTA. Comme la Radio Mwangaza créée par la communauté pour faire entendre les messages qui n’arrivaient pas à passer à la chaîne publique en 2003. Ces radios ont été d’un grand mérite aux dernières élections. Elles ont favorisé l’éclosion des organisations de la société civile (passées de 3 en 1995 à 6) et des associations des droits de l’homme, a-t-il ajouté. « Elles ont aidé à vulgariser les textes en rapport avec les élections, faire comprendre l’importance des élections et de voter», se souvient P. Kibaka.
Alors que ces radios peinent à se maintenir, d’autres s’implantent ou ont été implanté par les politiques nombreux à créer des stations à l’intérieur de la Province. Face à cette multiplication, la crainte est de ne plus avoir de contrepoids aux messages que ces dernières véhiculent pendant la période des élections qui approche. Les hommes politiques les appellent certes communautaires. Pourtant, contrairement aux médias communautaires, estime P. Kibaka «ceux-ci relayent les messages des politiques vers les populations.»
Trésor Boyongo