Le cauchemar des jeunes rurales qui se prostituent pour survivre

Publié le par journalmongongo.over-blog.com

Dans la commune Tshopo, des filles, souvent très jeunes, venues de l’arrière province et sans ressources, échangent leurs faveurs sexuelles contre des avantages matériels dérisoires. De jeunes hommes en profitent sans se poser de questions.

Seul mon corps me permet de vivre. La journée je vends des braises qui ne me rapportent rien», déclare Lyly, une maman de deux enfants sans mari, rencontrée sur la 6ème avenue dans la commune de la Tshopo. «Ce métier est tout pour moi. Il me permet de vivre», ajoute Antoinette, une autre jeune fille.

Jeanne, elle, est directe : «Discutons du prix de ce que tu cherches, ne m’interroge pas sur ce que je fais la journée. Mes parents le savent et en profitent». Comme elles, de nombreuses femmes et jeunes filles, même mineures, vendent leurs charmes chaque soir, de 19 h à 3h du matin, entre les 3ème et la 6ème avenue de cette commune. Elles viennent pour la plupart de la province de l’Equateur et des territoires (Opala) de la province Orientale fuyant la misère, l’oisiveté, la sorcellerie, les lourds travaux, le décès de leurs parents... A leur arrivée en ville, leur rêve tourne souvent au cauchemar. Le travail est inexistant et leurs familles n’ont pas les moyens de les nourrir et scolariser. Lundi M., une mineure de 14 ans raconte son aventure : «J’ai quitté le village pour rejoindre mes grandes soeurs à Kisangani. Après deux jours d’accueil chaleureux, elles me disent que je suis improductive et que je devais me débrouiller. Alors je fais ce qu’elles faisaient et les autres filles autour de moi contre ma volonté. Chaque nuit, je gagne entre 5 000 à 7 000 fc (5 à 7$) en couchant avec plusieurs hommes».

Selon le sociologue Jerome Onotamba, chef de travaux à l’Unikis, «ce sont les conséquences de l’exode rural. Elles pensent vivre mieux en ville ou trouver du travail. Sans mari et sans emploi, elles sont frappées par des conditions socio-économiques qui ne leur permettent pas de se procurer du pain quotidien».

 

Sexualité précoce des mineurs

Sans abri, elles s’entassent dans de petites pièces familiales dans la promiscuité, campent au Beach I.A.T, au marché central. D’autres prennent des maisons en location. Dans les milieux sombres, sous les arbres, à côté d’un mur, sur la rue, elles attendent les clients. Ce sont souvent des jeunes qui trouvent là un moyen facile d’avoir une femme : motards, élèves, étudiants… venant des six communes de la ville. «Ici, il n’y a pas d’exigence qui soit au delà de mes moyens. Avec 1000 fc, le tour est joué», explique souriant, Luc M., qui fréquente ce milieu. Manu, 19 ans arrive avec son vélo de toleka : «Là chez nous à la commune de Kisangani, les femmes sont rares et coûtent chères». «Nous cherchons des femmes à un prix dérisoire», complète Morino, 16 ans qui, comme la plupart de ces jeunes, restent inconscient des risques d’attraper des maladies sexuellement transmissibles ou le sida.

Selon papa Peguy, le chef d’avenue, «depuis des années cette prostitution s’enracine car la plupart de leurs sœurs y sont mariées ou habitent les quartiers.» Pour Omba Kamba, une habitante du quartier, «si l’avenue était éclairée, cette pratique serait découragée.» «Nos filles les imitent. Les enfants jouent parfois avec les préservatifs qu’ils ramassent le matin», se désole Marie Suzanne. Sabotage des ampoules placées par les autorités et délestage du courant électrique laissent ces zones dans l’obscurité. Parfois des bagarres, des insultes et de chaudes discussions se font entendre en cas de mésentente entre partenaires.

John Sindani

 

Publié dans Mongongo 32

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