Combattre la corruption qui gangrène écoles et universités

Publié le par journalmongongo.over-blog.com

Rares sont les étudiants et les élèves qui réussissent encore par leurs propres efforts. Les points sont souvent monnayés par les enseignants, les étudiants, les élèves et les parents…Certaines institutions commencent à combattre cette corruption qui fabrique des diplômés sans compétences.

 

À l’Institut supérieur de commerce (ISC), seuls 11 % des étudiants ont réussi à la première session contre 90 % l’année passée. Une chute spectaculaire qui s’explique par une rigueur accrue et des contrôles pour démasquer la corruption, explique Henri Mutombo, le chef de section. La lutte contre la corruption qui gangrène écoles et universités a commencé dans certains établissements.

À l’ISC deux étudiants venus de Kinshasa avec de faux relevés des cotes ont été démasqués et renvoyés. Des agents de la Régie des voies aériennes ont été suspendus car leurs diplômes étaient douteux. «Quatorze étudiants de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation reprennent d’auditoire parce qu’ils ont donné de l’argent à un enseignant qui, lui, est suspendu», précise le professeur Patrick Wenda, vice-doyen chargé de l’enseignement. «Le combat est rude parce que beaucoup de personnes pratiquent la corruption et rares sont ceux qui la dénoncent», regrette-t-il. Et les punitions sont encore rares pour servir d’exemple. Lui et le professeur Mayindo, doyen de la Faculté des sciences sociales administratives et politiques, incitent les étudiants et les enseignants à dénoncer toutes ces formes de tricherie qui nuisent à toute l’université.

 

Réussir à n’importe quel prix

Depuis plusieurs années, la loi de moindre effort domine les apprenants. «Supports, enrôlement, Libanga, kingia poli, stylo rouge, encouragement, transport, points sexuellement transmissibles, les ayant droits» sont autant d’expressions qui traduisent les pratiques de corruption. Les étudiants, les enseignants, les parents et leurs proches, tous en sont les acteurs.

Aucun étudiant ou élève ne veut reprendre une classe ou un auditoire. Aucun parent ne le souhaite non plus car l’école coûte cher disent- ils. «Nous recevons tellement des recommandations des parents qui ne tiennent même pas compte du niveau de leurs enfants», dénonçait P. Wenda lors d’une conférence sur la massification de l’enseignement le mercredi 3 novembre.

Des étudiants tissent des relations personnelles et privilégiées avec leurs enseignants en leur offrant des cadeaux, de la bière et de l’argent. Ceux-ci invitent ouvertement, dans l’auditoire, les étudiants à venir sécuriser leurs cotes. «Le titulaire du cours pose des questions embarrassantes dont lui-même connaît la réponse et demande de l’argent pour accorder la réussite. Cinq à 10 $ par étudiant et selon la catégorie de cours auquel on a échoué», témoigne un étudiant de 2ème licence en science administrative. Des affinités tribales, religieuses ou professionnelles jouent grandement.

Des étudiantes sont harcelées ; d’autres, peu sûres de leur capacité intellectuelle, deviennent  amies des enseignants.

 

Mémoires «cousus»

Des mémoires sont «cousus»… Le Directeur général de l’ISC a dénoncé, dans son rapport annuel, «la pratique Ngulu» : des enseignants rédigent des mémoires pour leurs étudiants contre de l’argent ou des relations intimes. Des questionnaires sont obtenus avec la complicité d’enseignants ou de leurs proches, c’est la «fuite» ou une feuille d’examen introduite après l’épreuve, c’est l’«opération venin». Cette année, des enseignants des facultés de droit, médecine,…ont été obligés de changer le questionnaire après s’être aperçu de la fuite.

Au secondaire, les élèves usent des faux bulletins grâce à l‘informatique et à des faussaires qui imitent les sceaux et signatures des établissements scolaires. Ce qui leur permet de monter de classe en changeant d’école. Le professeur Pierre Komba de l’Institut Lisanga témoigne aussi que certains élèves des instituts Home Feyen, Mangombo,… l’ont contacté pour résoudre un questionnaire de dissertation des examens d’État qu’ils auraient obtenu d’un inspecteur. Ce que réfute madame Brigitte Niapudre, inspectrice principale de l’Enseignement primaire et secondaire, qui estime ces épreuves très surveillées.

Pour beaucoup, c’est le trop maigre salaire des enseignants qui les poussent à ces pratiques. Et selon le Professeur P. Wenda, les étudiants qui y recourent n’ont pas une bonne base de formation. Car la corruption leur donne un diplôme difficile à faire valoir quand on n’a pas de compétences. 

David Malisi

 

Publié dans Mongongo 29

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