Détournements et incivisme fiscal : la fraude est générale

Publié le par journalmongongo.over-blog.com

Dans les régies financières, tous les moyens sont bons pour détourner l’argent du Trésor public et toute la hiérarchie y est souvent impliquée. Une commission a été créée pour réprimer cette corruption et les citoyens sont incités au civisme fiscal.

 

Le 3 novembre dernier la campagne de sensibilisation au civisme fiscal a été lancée dans la Province Orientale. «La province a des ressources immenses pour espérer améliorer les conditions de vie de la population. Cette dernière doit intégrer le civisme fiscal dans sa vie de tous les jours, a dit le gouverneur de province. Ne soyez pas étonnés quand nous allons mettre les gens dans l’avion pour s’être mal comportés dans la gestion des fonds publics.» Parallèlement, une Commission chargée de réprimer la corruption, la fraude, la contrebande et le gaspillage financier, a été créée le 25 août, mais elle n’est pas encore opérationnelle. Ses membres sont des professeurs, dont l’ancien recteur de l’Université de Kisangani et des membres du corps scientifique, un ancien Procureur général de la République et une avocate. Elle a le pouvoir de contrôler même les actions gouvernementales, de déférer immédiatement les auteurs et complices présumés de détournements devant les tribunaux compétents.

 

Une chaîne de fraude organisée

Les fraudes sont à tous les niveaux. Nombreux sont les agents, sans matricule ni contrat de travail, engagés par les responsables des régies financières (DGI, DGDA, DGRARD…) Ils ne gagnent que 30 000 à 100 000 Fc (33 et 110 $) par mois et restent parfois plusieurs mois sans salaire. Mais ils sont toujours présents à leur travail qui est une juteuse source de revenus pour la plupart d’entre eux, raconte un agent de la DGI. Lui-même se construit une maison après seulement trois ans en fonction.

Une chaîne bien organisée, qui implique le plus souvent toute la hiérarchie,  favorise les fraudes. Des agents recouvreurs réservent une partie de l’argent perçu aux inspecteurs, aux chefs de bureau et même au directeur lorsqu’il s’agit d’un grand coup. On y trouve aussi certains militaires et même des Kinois qui veillent sur ce trafic.

Selon le président Pierre Kibaka, de l’ONG Justice et libération, le nombre élevé d’agents percepteurs, la difficulté d’appréhender corrompus et corrupteurs, l’impunité et le manque d’instances pour les juger font que cette pratique est devenue la norme pour les agents et la population. Pour apurer la situation, Jean-Jacques Kalome, directeur de la DRPO (Direction des Recettes de la Province Orientale), depuis mars 2010, a mis en congé technique 650 des 1100 agents car la DRPO n’est installée que sur 7 des 24 territoires de la province. Pour M. Bosenge, membre de la commission économique et financière de l’Assemblée Provinciale, cette pléthore d’agents contribue, en effet, à réduire les recettes propres de la province. Ainsi donc pour le premier semestre 2010, la DRPO a réalisé à peine la moitié de ses objectifs, contre 62,8% au niveau national.

 

Fraudes en tous genres

Les exemples d’abus sont nombreux. Selon un exportateur de cassitérite, sans ces fraudes, il ne gagnerait pas grand-chose vu la multiplicité des taxes. «Nous leurs glissons de l’argent pour l’obtention des documents falsifiés et circuler librement », explique-t-il. Un commerçant qui avait versé 800 $ à un agent de DGDA à la frontière d’Aru avec l’Ouganda, au lieu des 1200 $ légalement dus, a été obligé de payer 1000 $, faute de preuve de paiement de dédouanement pour obtenir la plaque d’immatriculation de sa Jeep achetée à Kampala.

L’obligation de remise d’une quittance pour limiter le vol a donné une nouvelle pratique : ¨jeux carbone¨. Selon un ancien agent recouvreur, renvoyé de la DRPO, cette pratique consiste à plier le papier carbone inséré entre le reçu et la souche de manière à ce que celui-ci ne marque pas, permettant aux taxateurs d’y noter un montant inférieur à celui perçu. Au péage route, les agents modifient le trajet effectué par le véhicule et diminuent le nombre de kilos de cassitérite, celui des carats de diamant ou de sacs de produits vivriers à exporter renchérit l’ancien agent recouvreur. Jean-Jacques Kalome affirme qu’il n’est pas au courant de ces manigances et que les inspecteurs suivent les différents postes de perception.

Une prise de conscience individuelle sur les méfaits de la corruption et le manque à gagner pour toute la province serait un bon début ainsi que mettre devant la justice, corrompus et corrupteurs estime Pierre Kibaka. Pour limiter la fraude, depuis 2009, les étudiants doivent payer leurs frais académiques à la banque, de même les redevables de certains services des impôts et l’INSS.

Nadia Mideso

 

Publié dans Mongongo 29

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