Territoire d’Isangi/Le vote tribal dangereux et inefficace

Publié le par journalmongongo.over-blog.com

Malgré l’adoption d’un code de conduite local, de nombreux dérapages sont observés à Isangi : des candidats jouent de l’appartenance tribale pour se faire élire, d’autres incitent leurs militants à l’intolérance, certaines Églises s’immiscent dans la campagne.

 

Depuis le début de la campagne électorale, le territoire d’Isangi à 128 km au Nord Est de Kisangani enregistre de nombreux cas d’intolérance, des propos discourtois et des appels au vote tribal. Certains candidats attisent la fibre tribale pour s’attirer des voix. “Ils nous demandent de voter notre frère pour avoir un représentant de notre tribu au parlement”,  informe Jean, un habitant du village Yasendo. “Nous avons tenu quatre réunions avec nos sages pour désigner le candidat de notre chefferie”, renseigne un habitant d’un village situé à près 70 km d’Isangi. D’autres incitent leurs communautés à restreindre la liberté de campagne des autres candidats dans leurs villages. L’administrateur du territoire, Makanda Mwamba, qui condamne ces dérapages précise que les politiciens oublient qu’aucun secteur ou chefferie ne peut, à elle seule, atteindre le quotient électoral permettant d’élire un candidat.

 

Des actes d’intolérance

“Vous avez élu des gens qui ne savent pas porter des chaussures respectables dans l’hémicycle. Je les ai accompagnés même dans les magasins”, se moque un candidat en citant même le nom de son collègue devant les étudiants de l’ISP Isangi. Le 16 novembre, un candidat de la majorité présidentielle (MP) s’est indigné auprès de l’administrateur du territoire qu’un candidat de l’opposition ait envoyé ses militants battre campagne juste devant son quartier général. “Ses partisans chantaient qu’il n y a pas un autre candidat que le leur en précisant son numéro. Mes partisans allaient se venger mais je les ai calmés”, explique le candidat plaignant. “Mes membres étaient sur la voie publique”, rétorque l’accusé.

La société civile dénombre plus de 10 calicots et banderoles arrachés et une cinquantaine de photos des candidats déchirées dans la semaine du 7 au 14 novembre. Selon l’administrateur assistant, chargé des questions politiques et administratives Filibert Ocun, la situation est la même à l’intérieur du territoire, notamment à Yangambi.

Le code de bonne conduite foulé aux pieds

Pourtant les Ong, les Églises, les chefs de secteurs et des chefferies, les notabilités locales avaient adopté un code de bonne conduite local pour prévenir tout acte de violence lors d’un atelier tenu en octobre. Ce document interdit formellement aux postulants le discours ethnique et tribal ; tout meeting dans un marché doit être signalé au gérant qui le programme à un moment précis pour éviter les embouteillages ; les Églises s’étaient engagées à ne pas donner la parole aux candidats pendant les cultes pour ne pas diviser les fidèles.

“Nous avons la mission d’éclairer nos fidèles sur le profil d’un bon candidat et non de montrer le candidat de notre choix”, souligne l’abbé Joseph Mola, président de l’association Pasteurs unis pour le développement d’Isangi (PUDI). Le dimanche 15 novembre lors des ordinations des abbés à l’Église catholique, les candidats qui avaient apporté des cadeaux ont été interdits de parole pendant le culte. Le secrétaire régional de l’Église Communauté Baptiste du Fleuve Congo a demandé à toutes les paroisses de ne pas accepter qu’un candidat prenne la parole à l’église. Les radios (principalement les deux appartenant aux opérateurs politiques) de citer les candidats qui n’auront pas la réplique dans leurs médias. Les chefs des secteurs et chefferies devaient rester neutres car certains candidats qui leur ont donné des motos, des antennes paraboliques veulent qu’elles donnent des consignes de vote en leur faveur.

D’autres ne respectent pas ces consignes. “Notre pasteur manque du respect à mon grand frère candidat”, s’irrite Fiston, fidèle d’une Église de réveil à Yabaondo. Il accuse l’homme de Dieu d’avoir tenu des propos discourtois à l’endroit de son grand frère quand il présentait un candidat à l’Église. “Nous sommes toujours envahis et facilement débordés”, témoigne aussi le gérant du marché Lisaliko dans le groupement Isangi. Un dimanche, les meetings de cinq candidats au marché de Yangambi ont perturbé l’ambiance. Certains commerçants témoignent avoir perdu leurs biens à la suite de l’agitation survenue quant l’un jetait les chapeaux et ses photos.

Joseph Bassay/Novembre 2011

Publié dans Mongongo 49

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